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Anonymous, on en parle avec Frédéric Bardeau.
Publié le 08 févr. 2012

Anonymous, on en parle avec Frédéric Bardeau.


Frédéric Bardeau (@fbardeau) a 37 ans, il est marié et a 2 + 2 + 1 enfants comme il le dit. Il travaille dans le domaine de la communication corporate depuis 12 ans (DDB & Co, Publicis Consultants, McCann Corporate) et s’est spécialisé depuis 9 ans en créant Trilogicom dans les problématiques liées aux stratégies Internet, principalement pour des acteurs du non-marchand (notoriété, buzz, philanthropie 2.0, fundraising / collecte, RP2.0…) et leurs agences conseil. il est aujourd'hui vice-président, et co-fondateur, de l'agence de communication responsable Limite.


Frédéric, Nicolas et toi êtes arrivés au bon moment avec votre livre, alors inspiration géniale ou coup de chance ?


F. BARDEAU : Coup de chance que Nicolas (Nicolas Danet, co-auteur du livre* NDLR) ait eu un ami dont l'oncle soit éditeur et qui cherchait justement quelqu'un pour écrire sur Anonymous, mais inspiration géniale de notre part de prendre sur notre temps libre pour creuser ce phénomène incroyable dès novembre 2010 et l'affaire Wikileaks en prétextant que l'analyse d'Anonymous pourrait peut être nous aider à renforcer notre capacité de conseil aux associations, fondations et ONG en matière de stratégie digitale...



Pour toi quelle image colle le mieux aux Anonymous : robin des bois, zorro, batman, les 7 mercenaires... ?


F. BARDEAU : Robin de bois ou pirates de caraïbes pour les médias, mais en vrai le phénomène est tellement hétérogène que tout le monde peut y projeter une image ou un symbole selon les opérations ou les moments... donc ce qui leur va le mieux c'est quand même ce qu'ils se sont créées : le masque de V pour Vendetta et la mythologie Anonymous ! 



Plus sérieusement, Anonymous c'est la revanche du peuple ? ou bien d'une partie du peuple bien nourrie et bien instruite quand même ?


F. BARDEAU : Je dirais les 2 car les hackers et l'hacktivisme sont indissociables de l'élitisme, de la méritocratie et de la partie "du bon côté du routeur" de la fracture digitale, et à ce titre il ne faut pas perdre de vue que c'est un phénomène occidental, de pays développés et qui pour l'instant ne change malheureusement pas grand chose à la situation dramatique des milliards de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté ou des millions de gens qui subissent la dictature, en Syrie ou ailleurs. Mais plus Anonymous grandit, plus il se démocratise et plus il devient une bannière populaire qui fédère des mécontentements et des revendications larges, on le voit maintenant dans les manifestations de rues qui ne sont pas seulement contre ACTA ou Loppsi mais aussi pour une autre idée du partage, pour une autre idée de la démocratie, pour l'opendata, les logiciels libres, la fin de la censure ou du fichage, les droits de l'homme... Et dans les pays qui se sont soulevés lors du printemps arabe, on a pu voir des masques de V pour Vendetta dessinés à la va vite sur des bouts de cartons par des manifestants dans la rue.



Selon toi, quelles sont les actions Anonymous qui ont fait avancer/bouger/changer la société ?


F. BARDEAU : Je pense que les grands faits d'armes Anonymous ont fait bouger les lignes et que la globalité du symbole qu'ils représentent influence le débat, les décideurs et l'opinion publique sur les sujets liés à Internet. La Scientologie ne ne comporte plus en terrain conquis sur le web depuis 2008, Wikileaks est devenu un concept mondialement connu, des firmes de sécurité privées comme HB Gary, Stratfor ou Symantec ne peuvent plus prétendre qu'elles protègent d'Anonymous sans être contredites immédiatement et les dispositifs liberticides qu'ils soient législatifs (Loppsi, SOPA/PIPA) ou contractuels (ACTA) ne peuvent plus se déployer sans opposition ou sans bruit.



Peut-on imaginer demain des sections Anonymous rail, Anonymous banque, Anonymous chimie... Anonymous est-il le syndicalisme de demain ?


F. BARDEAU : Non, Anonymous est une idée, une bannière, c'est le seul point de convergence donc on a des Anonymous au Brésil qui sont très différents des Anonymous US ou français, des Anonymous qui s'intéressent au social, à l'écologie, aux droits de l'homme et aux ayants-droits... mais ça reste Anonymous.



Anonymous ne l'est plus tant que ça, alors déjà la fin ?



F. BARDEAU : "Ideas are bullet proof" disent les Anonymous. Les opérations policières, les succès médiatiques ou la globalisation du phénomène ne signeront pas la fin d'Anonymous car Anonymous est une idée et que l'idée de se révolter de manière masquée contre l'oppression est éternelle et immortelle. Anonymous n'est que l'expression d'une figure qui s'est appelée Jacques au Moyen-Age (les jacqueries) ou Luther Blisset dans les années 1980.

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Sinon ils sont contents de vous à la DRCI (Direction centrale du renseignement intérieur) ?


F. BARDEAU : Je pense que nous devons sensiblement brouiller les cartes et rajouter à la complexité qu'ils doivent éprouver à analyser le phénomène et le rendre d'autant plus résistant aux raccourcis (criminels, terroristes...) car nous ne sommes pas des gauchistes ou des anarchistes, je suis chef d'entreprise depuis plusieurs années, je n'ai jamais eu de carte d'un parti politique ou été membre d'un syndicat, nous portons un regard bienveillant mais analytique et neutre sur Anonymous dont nous connaissons bien les limites et les atouts. Nous ne sommes pas anonymes ou "tapis dans l'ombre" comme l'étaient soi disant les membres du groupe de Tarnac : nous nous exprimons à visage découverts, face aux médias et à qui veut nous entendre et "l'Insurrection qui vient" que nous annonçons est pacifique et non violente, elle s'apparente à un mouvement de désobéissance civile numérique et à une nouvelle forme de militantisme.



Un autre projet d'écriture dans les tuyaux ?


F. BARDEAU : Peut être la suite, ou peut être autre chose. Télécomix nous intéresse beaucoup, les hackerspaces et les fablabs aussi. Mais c'est clair qu'on a pas fini de s'intéresser à ces phénomènes émergents car c'est ici, "à la limite", que se passent les choses les plus importantes.

* De Frédéric Bardeau et Nicolas Danet
illustration de couverture : Martin Wolf
Titre : Anonymous

Sous-titre : Pirates informatiques ou altermondialistes numériques ?

Auteurs : Frédéric Bardeau, Nicolas Danet

Prix public TTC : 19,50
Broché : 208 pages

Éditeur : FYP Éditions

Collection : Présence / Monographie critique

Disponible en librairie.
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